Retour à la page du Voyage du Patago 50

La traversée de l'Atlantique et

Les Antilles

mer des antilles

Notre route dans la Mer des Caraïbes

Dimanche 17 novembre 2002 :

    Après un petit tour éclair dans la minuscule boutique Internet du village de Tarrafal, Sao Nicolau, nous levons l’ancre pour entamer la traversée vers les Antilles.

     L’annexe est rincée, roulée puis rangée dans le peak avant. La grand-voile est hissée arisée au ris de fond. Nous nous éloignons doucement au moteur de cette très belle île Sao Nicolau qui cache derrière ses montagnes arides un magnifique paysage et des gens à connaître. La mer sous le vent de l’île est calme et le vent absent, il faudra attendre d’être éloigné d’une dizaine de miles pour trouver une houle croisée et courte correspondant au passage entre les îles ainsi qu’un vent de travers qui nous permet d’envoyer le foc.

     Retour en mer : les placards se rangent tous seuls avec la houle et les mouvements amples du bateau,  les estomacs se refont une santé à l’aide d’une petite diète après quelques excès terriens en vin et spiritueux… On retrouve le plaisir de lire et de lire et de lire encore. Les repas sont simples mais font toujours l’objet d’une grande réflexion. Devant le placard des légumes ouvert, je choisis avec soin le menu en fonction de la maturité des produits. Quand cela bouge vraiment trop, nous optons toujours pour une purée de pommes de terre qui produit un effet lest dans l’estomac… La Chiclette s’est octroyée une étagère sous un hublot de coque et y passe environ 23 h30 sur 24… Elle se refait du gras et du poil après son escapade aux Canaries.

     Nous guettons l’origine de tous les petits bruits irritants comme les cling-clang des verres dans les placards et bloquons tout ce qui bouge. On surveille aussi tout ce qui peut raguer, s’user (comme la voile sur le balcon ou les écoutes dans les poulies) 

      La nuit, nous naviguons avec la pleine lune qui se lève tôt le soir et se couche le matin en même temps que le lever du jour. Des poissons volants viennent s’échouer sur le pont et nous entendons quelquefois leurs efforts par des battements de queue effrénés pour retrouver l’élément liquide, chose qu’ils font facilement car le pavois du bateau n’est pas très haut. Une nuit, pendant mon tour d’inspection de l’horizon, je reçois un poisson volant dans l’épaule, cela surprend. Le poisson est retourné dans l’eau mais mon tee-shirt a retenu son odeur en même temps que quelques écailles argentées.  Cependant, au matin nous ramassons les plus malchanceux qui font notre repas du midi, revenus au beurre à la poêle, le goût se rapproche mi  maquereau, mi rouget.

     Nous allons à bonne allure 7 à 8 nœuds dans une mer agitée avec une houle croisée de Nord et d’Est. Là-haut, vers les Açores et l’Europe cela « cartonne » et nous récupérons la houle jusqu’ici. La grand-voile est arisée au premier ris, et notre foc est tangonné. Nous sommes vent arrière. Le vent d’Est souffle force 4 à 5, ce qui est très bien pour nous. La température intérieure du bateau varie de 26° à 31° selon les heures du jour et de la nuit.

    Côté poisson : nous avons pêché un petite coryphène qui nous fera deux repas, et les poissons volants se font de plus en plus rares car la lune se lève de plus en plus tard dans la nuit.

     Six jours après notre départ, nous avons parcouru environ 950 miles. Un grand bruit sur le pont nous fait sortir tels des diables du bateau. Le vit de mulet (pièce articulée qui relie la bôme au mat) vient de casser. La bôme est retenue par la voile, l’écoute et le hale bas. Cela marchait si bien. Quelle déception.

 En traversée sans la bome

Traversée avec les voiles d'avant en ciseau

     Cela nous prend deux heures pour affaler la voile, la plier (elle pèse son poids) et la fixer sur le pont. Puis nous rangeons la bôme sur le pont et on l’amarre solidement pour qu’elle ne bouge pas. La pièce cassée n’est pas réparable en mer… Nous hissons le génois qui nous avait déjà bien servi lors de notre épisode foc déchiré (cf. traversée Canaries Cap vert) et le portons en ciseau sur bâbord avec le foc tangonné sur tribord. Nous reprenons notre route, le cap est bon, la vitesse correcte puisque nous marchons à 6/7 nœuds. Le moral a pris un coup dans l’idée de courir en Guadeloupe chercher « LA » pièce. Je vois Jean-François réfléchir à tour de neurones, et à faire l’inventaire de son outillage et matériel de rechange. Le principal : nous avançons.

     Ce dimanche 24 novembre, nous avons parcouru la moitié du chemin, soit 1080 miles.

     Comme nous avançons vers l’ouest, le soleil se lève plus tard et se couche plus tard. Aussi nous décalons toutes les montres et pendules du bord d’une heure pour se retrouver à TU-2h. Il nous faudra refaire ce changement deux fois encore puisqu’aux Antilles, ils sont à TU-4h. La mer se creuse un peu plus de temps en temps et nous sommes secoués par la houle croisée. Nous avons reçu nos premières gouttes de pluie hier dans un tout petit grain…. Tout le bateau étant recouvert de sable ocre depuis le Cap Vert (aussi bien le pont que les cordages, les câbles du gréement ainsi que la face exposée au vent des antennes), la pluie insuffisante a laissé de longues traînées marron sur le bateau, ce qui n’est pas du plus joli.

     Ce matin, je vois Jean-François la mine réjouie, il a trouvé dans son matériel une pièce qui un peu renforcée, fera notre affaire pour la réparation du vit de mulet. Quel soulagement !

     Le confort est tout relatif dans cette mer croisée et très agitée.  Je me lance cependant dans la fabrication de pain. Et deux heures plus tard, il règne à bord du Patago une délicieuse odeur de pain tout chaud…

     Les trois derniers jours de la traversée sont particulièrement bien arrosés par des grains sous lesquels soufflent de violentes rafales nous obligeant à manœuvrer rapidement. On passera notre temps à rouler, dérouler le foc, empanner les voiles de l’avant. Au moins, nous sommes rodés pour ces manœuvres, et le bateau est redevenu propre.

     Et voilà que le mardi 03 décembre vers 11 heures, Jean-François voit la TERRE. C’est l’île de la Désirade. Puis ce sera Marie-Galante, Petite Terre et enfin la Guadeloupe apparaît en partie cachée par les nuages. Notre arrivée de nuit (comme d’habitude) dans le port de Pointe à Pitre se fera au moteur et au radar. A 21 heures, nous sommes au mouillage devant la marina Bas du Fort. De multiples parfums nous arrivent de terre, odeurs de terre chaude,  de fleurs, de pot d’échappement, de ville, de rhum ?… Nous retrouvons avec plaisir le doux chant des grenouilles.

     Après 2240 miles nautiques en 16 jours et demi, nous débarquerons au matin après une nuit de repos. Formalités à la capitainerie, puis bière fraîche au bar de la Route du Rhum.  Nous aurons l’occasion d’admirer les bateaux de la course du même nom arrivés peu de temps avant nous. Certains sont déjà repartis pour l’Europe.

     Nous visiterons les agences de location de voiliers pour trouver une voile en rechange de notre foc déchiré. Ne trouvant rien qui convienne à la dimension du Patago, nous ferons réparer le foc par North Sails.

     Nous carénons le bateau au chantier Lemaire, sur son ponton submersible. Vraiment très Au chantier Lemaire Guadeloupepratique, le bateau est posé à un mètre de haut sur deux tréteaux métalliques, ce qui nous permet un accès maximum à la semelle du bateau. Nous passerons un primer et 3 couches de peinture anti-salissures avant de retourner à l'eau.

     


Le linge sale s'est accumulé depuis le dernier port des Canaries, les tournées de lessive sont nombreuses. Heureusement le soleil des Antilles a vite fait de faire sécher tout cela. Nous irons très souvent chez Ship Occas', un dépôt-vente de matériel nautique d'occasion dirigé par Hanke, une femme très sympathique. En autres fournitures, nous y trouverons un régulateur d'allure que Jean-François installera plus tard en vue des longues traversées pacifiques.

     Notre escale guadeloupéenne très technique se terminera le 16 décembre. On reprend la route en passant par le Pont de la Gabarre à 5h du matin ! La navigation parmi les palétuviers dans le Grand Cul de Sac nous rappelle les waterways américains. Beaucoup d'oiseaux nichent dans ces mangroves. Le voyage vers Saint-Barthélemy et Saint-Martin sera vraiment peu venté. Mouillons devant le port de Gustavia à St Barthélemy par 8 m de fond et dans une eau transparente. De nombreux voiliers cata ou mono ainsi que de luxueux bateaux à moteur se retrouvent au mouillage. Le port rénové de Gustavia est complètement occulté par les coques d'immenses motor-yachts.

Batiment de West Indies     Puis c'est l'arrivée à Saint Martin, quasiment un pèlerinage puisque nous y avons vécu 4 ans. On y retrouvera de nombreux amis installés à terre, et les soirées seront bien animées. Le site Web de Jean-François sera mis en service, et nous fabriquerons une annexe rigide en contreplaqué époxy car le gonflable Zodiac est trop fragile et se décolle de partout malgré ses trois ans d'âge. Pas satisfaisant comme produit.

    


Plage de Grand CaseNous retrouvons avec plaisir les "lolos" de Grand Case où nous dégusterons les "ribs au barbecue". Les restaurants sont tous construits en dur après le passage de Luis. Mais ils donnent toujours sur la superbe plage de Grand Case. Une grande réserve naturelle a été créée comprenant la Fourche, tous les îlots au nord de St Barthélemy, Tintamarre et Ilet Pinel et  qui englobe le Rocher Créole, et on peut y observer de magnifiques poissons en plongée.



Palmier     Aloes

    Laurier rose

Il y a toujours de magnifiques plantes à St Martin.

     Nous irons au mouillage côté hollandais dans la baie de Simpson et nous quitterons l'île avec nostalgie. Nous prenons la direction de St Thomas, l'une des îles vierges américaines. La mer est formée, l'alizé est régulier depuis une quinzaine de jours et souffle de façon soutenue. Jean-François espérait trouver à Charlotte Amalie une voile d'occasion dans une boutique qui a fermé ses portes depuis plusieurs années maintenant ! Il lui faut mettre ses fiches à jour ! Trois jours d'escale, puis nous reprenons la mer en direction du Panama.